|
|
|
La Création-femme
La Création-femme est la synthèse de deux recherches effectuées en 1997 par Anne-Catherine Pozza dans le cadre d’études universitaires et intitulées “Créativité ou l’abolition du genre” et “A la recherche de la création féminine”.
La créativité, cette aptitude humaine à l’origine d’inventions telles que la roue, de découvertes, telles que la théorie de la relativité, d’inventivité dans les domaines agraires ou de la technologie de pointe, qui s’épanouit dans les milieux de l’urbanisme, de l’art et de la culture, qui fleurit dans les modes d’expression tels que la littérature, la peinture ou la sculpture et qui atteint la plénitude dans la musique, la danse ou la mode ; sous quelle couture ne l’a-t-on pas encore déflorée ?
La créativité, comme caractéristique personnelle, permet à l’auteure d’explorer l’univers symbolique et ambivalent des valeurs dites féminines et masculines de la personnalité créative, rétablissant ainsi un équilibre entre elles. La personnalité créative est un être humain riche et complexe dans sa diversité et fascinant dans son rapport à l’environnement. Les créatifs sont-ils plus proches de la folie ou du génie ? Existe-t’il une différence sensible de la performance créative entre les sexes ou en fonction de l’âge ? Les enfants sont dits très créatifs ; devenant adultes, ils perdent de leur aptitude à l’imagination et ne s’aventurent plus ou presque dans l’imaginaire. “ Qu’est-il arrivé de cette capacité humaine énorme et universelle ?” s’interroge H.H. Anderson. “ Ça doit tenir à l’éducation ” lui répond Alexandre Dumas.
L’éducation qui favorise la créativité est celle qui stimule l’attitude de curiosité, de spontanéité, qui tend à susciter les aspects affectifs qui encouragent l’être humain à se consacrer à un travail créateur, quel que soit son sexe. Cependant, nous découvrons qu’une éducation différenciée entre les sexes est à l’origine de carences observées chez les filles de qualités propres à favoriser la créativité : l’indépendance, le plaisir d’explorer et d’expérimenter ou la possibilité de transgresser le connu. Les institutions familiales et scolaires sont des lieux de perpétuation de certaines valeurs traditionnelles ou au contraire libérales et progressistes. Les progrès de la pédagogie ont initié un virage important et appréciable pour l’ensemble des femmes qui se voient enfin légitimées dans des rôles et des positions sociales jusqu’ici interdites.
Il semble donc qu’une coexistence équitable des valeurs soit possible, par un approfondissement et un meilleur partage des qualités humaines. Cette quête profonde et individuelle pourrait être la source d’un rétablissement des potentiels qui sommeillent en chacun de nous et pourrait voir jaillir les gerbes d’une créativité insoupçonnée. La créativité qui est une sorte d’éveil, une tendance à la spontanéité, une aptitude virtuelle à créer ne saurait subsister sans la création. A quoi sert la création ? Qui sert-elle ? Que représente-t-elle pour la personne qui crée et pour la société dans laquelle elle s’insère ? De la création divine à l’œuvre-femme, nous allons parcourir les territoires de l’imaginaire que sont le corps, l’affectivité, la sexualité et l’inconscient.
La création, aussi complexe que paradoxale, s’épanouit dans les méandres infinis du sentiment d’incomplétude de l’être humain. Quête de l’Absolu, recherche de l’Idéal, besoin d’Ailleurs ou désir de l’Autre, la création est le fruit licite du mystère de la vie. Et cet instant aussi fugace qu’imprévisible, qui représente le passage entre le désir et la réalité, le seuil entre la créativité et la création a été le sujet d’innombrables recherches, notamment psychanalytiques. L’inspiration, le jaillissement ou l’anté-conception reste et restera peut-être encore longtemps mécomprise. Obscure et déconcertante est également l’âme de l’artiste. Artiste, qui tout à la fois étonne, surprend et fascine. Sa position en porte à faux par rapport aux valeurs acquises, aux perceptions habituelles, lui valent d’être tant admiré qu’haï. Mais cet équilibre instable n’est-il pas à l’origine de son aptitude à aller au-delà du miroir, en deçà du reflet de lui-même, à sonder en précurseur les profondeurs de l’inconscient ?
Subversion, plaisir et liberté sont les armes de l’artiste, dont il doit jouer subtilement au risque de blesser ou d’être incompris. N’aurait-il pas pour mission de transmettre au genre humain les vérités essentielles de l’être ?
Ce don n’a pas été jusqu’ici équitablement attribué entre les femmes et les hommes. Les conditions sociologiques et psychologiques favorables à l’acte créateur ont fait défaut aux femmes. La répartition des rôles entre hommes et femmes, création et procréation, culture et nature en est l’origine. Pourtant, longtemps étouffée, la création féminine existe. Aujourd’hui les femmes sont à l’œuvre, libres de créer et de jouir. “ Sortant de leur immanence séculaire, les femmes découvrent aujourd’hui qu’avec leur sensibilité et leur intelligence, elles eussent pu faire tout autre chose si on leur en avait laissé le droit. La parole féminine qui s’exprime aujourd’hui dans l’art est peut-être la plus révolutionnaire qui soit ” (1977/p. 198). Les paroles rassurantes et optimistes de Florence Vidal sont étrangement actuelles - encore deux décennies après - en ce qui concerne le projet d’Expo.02, où deux femmes, à l'origine du projet, suivies par d'autres, expriment et réalisent à leur façon, la visualisation tangible et concrète d’une représentation de ce qu’est déjà et sera notre société au prochain millénaire. 2001 aura été l’anniversaire symbolique d’une résurrection ; 33 ans après les événements de mai 68. Une longue maturation entamée, nourrie de fructueuses réflexions et initiant une mutation des rôles au sein de la société : une nouvelle approche de l’équilibre des rapports sociaux de sexe. A l’aube du troisième millénaire, ne serions-nous pas en train d'entrer dans une nouvelle ère : celle du combat des hommes contre eux-mêmes ?
Créative et créatrice, féminine et masculine, Anne-Catherine Pozza se définit volontiers centrée entre deux champs de forces opposés, naviguant aisément dans des courants de pensées divergentes pour faire émerger des tangentes fertiles.
|
|
|
|
|
|
|
|
|