Etre femme aujourd'hui,
c'est cultiver un nouvel art de vivre


Barbara Polla, une femme à l’image de tant d’autres, qui fascine par son épanouissement et son libre-arbitre. Elue en octobre dernier conseillère nationale, elle reflète l’esprit éclectique du temps.


Conjuguer vie familiale, professionnelle et sociale est un défi que chaque femme peut relever. Cette gageure n’est désormais plus une lutte, mais un état d’esprit. S’affranchir du pouvoir masculin et de son emprise est une démarche et une prise de conscience accessibles à toute femme qui se respecte. Se sentir libre et trouver en soi les ressources de sa propre puissance. Confiante, évoluer dans son environnement au rythme qui convient. Prendre possession de l’espace en tenant compte des contraintes et des limites. Des assertions réalistes dès lors que l’on arrive à dépasser les interdits que l’on s’impose soi-même et si l’on se donne les moyens de ses ambitions !

Aujourd’hui, une femme qui préfère l’être au paraître est celle qui développe le mentoring, l’entraide féminine et l’utilisation adéquate des réseaux. S’exposer, oser se rendre visible, prendre des initiatives et des responsabilités. Appréhender les problèmes avec ouverture d’esprit et créativité. Innover et aller de l’avant en considérant les échecs comme des leviers et non des butoirs. Une mère n’est-elle pas plus rayonnante et un modèle d’identification positive de femme lorsqu’elle s’épanouit dans ses activités plutôt que de se conformer sagement au modèle traditionnel de sa mère ?
Sortir de l’ornière n’est plus un acte subversif, mais une prise de conscience et une responsabilisation personnelle. Femmes, puisez l’énergie dans le bonheur qui vous épanouit et la liberté que vous vous octroyez à vous réaliser au travers de vos passions !

Barbara Polla, femme dynamique, vous aimez observer les gens et être à leur écoute, comment envisagez-vous le pouvoir aujourd’hui ?

Le rapport au pouvoir est une notion individuelle, qui ne dépend pas du sexe. En politique par exemple, le pouvoir est limité, car il existe dans notre démocratie représentative une profonde volonté de ne pas concentrer le pouvoir sur les personnes, tant au niveau législatif qu’exécutif. Je trouve qu’en tant que députée au Grand Conseil ou conseillère nationale, pour moi, le seul pouvoir que j’ai, c’est celui que l’on me délègue. C’est une grande force qui me fait apprécier le système politique en Suisse. Il n’y a ni d’avantage financier, de prestige ou de pouvoir. On est au service de.

Que pensez-vous de l’engagement des femmes en politique ?

Je pense que les femmes devraient se rendre plus visibles. A 41 ans, mon entrée en politique a été une révélation. Pouvoir contribuer à l’organisation de la Cité aux différents niveaux, familial, professionnel et politique est un privilège. Pouvoir s’exprimer en public, développer les réseaux sont des atouts appréciables pour la réussite au féminin. Participer même modestement à l’élaboration d’un projet où il faut se tenir les coudes et avoir une implication à long terme correspond bien à mon goût du concret. Au parlement genevois, sur les 100 députés, nous sommes 37 femmes. Je pense que c’est notre rôle de leur parler aux femmes et de les sensibiliser au monde politique, c’est pourquoi je suis membre et soutiens de nombreuses associations féminines, dont le BPW, Business and Professional Women.

Les femmes sont très actives dans le monde associatif.

Je fais partie de plusieurs associations dont le BPW et je trouve remarquable la richesse des associations féminines, leur engagement et la façon dont elles s’organisent et établissent des relais entre elles. Je l’ai encore ressenti récemment lors de la réunion des associations féminines dans le cadre de la promotion de l’égalité entre femmes et hommes. J’ai découvert l’association Camarada qui s’occupe de la formation de base des femmes migrantes.
Je pense que les femmes auraient une grande force à apporter leur soutien au niveau social dans des domaines comme l’environnement ou le sport.

Vous êtes reponsable du programme Environnement et Santé à la Faculté de Médecine à Genève, quel pourrait-être l’apport spécifique des femmes dans ce domaine ?

L’environnement doit être considéré au sens large, tenant compte non seulement de l’eau, l’air, les aspects physiques et chimiques, mais aussi le contexte de vie, c’est-à-dire les conditions socio-économiques, politiques et psycho-familiales de l’individu ainsi que son environnement culturel. C’est dire si les femmes sont concernées par ces questions car elles peuvent jouer un rôle dans la gestion de la proximité.
Nous organisons le 30 septembre en collaboration avec le Centre Universitaire d’écologie humaine un colloque lémanique “ Environnement et Sport ”. Seront abordés les aspects médicaux : santé, prévention, traitement ainsi que le rôle social du sport, ciment de la société. Cet aspect devrait obtenir l’adhésion des femmes, car le sport au delà de l’origine sociale permet de se repositionner dans la société. Il a un rôle de cohésion et d’affirmation identitaire. L’apprentissage de la compétition et de l’échec est pour la jeunesse riche en enseignement.

Peut-on être créative en politique ?

Plus que jamais, et afin d’éviter l’encroûtement, dans mes démarches, j’essaie toujours d’aborder les problèmes sous un angle nouveau, j’aime observer et poser les questions justes. Je pense notamment qu’il faudrait réinventer le rapport qu’a la société avec la notion de retraite. Que fait-on des 25 années qui séparent l’âge de la retraite de l’espérance de vie ? Il devrait y avoir une meilleure interdépendance entre la tranche active de la société et les personnes âgées, qui ont souvent une expérience et une énergie extraordinaires. Cela éviterait la double culpabilisation actuelle : se sentir à charge ou prendre du travail au jeunes. Le relèvement et la flexibilisation de l’âge de la retraite me semble être une solution adéquate, tenant compte de l’excellente qualité de vie des personnes âgées, et c’est tant mieux.
Innover en politique, c’est parfois bousculer certaines idées reçues, des préjugés ou écarter des solutions trop confortables. Une réflexion devrait être envisagée concernant le système social et celui de la santé. Pourquoi ne pas séparer les deux ? Il y a là un potentiel de simplification, de clarification et de plus grande responsabilisation au niveau de la santé et du social. La maternité est un débat qu’il faudrait rouvrir, tenant compte des nuances de perceptions et des avis variés qui coexistent. Les concepts de famille et parentalité sont en pleine mutation. Les pères apprennent à assumer leur rôle et les femmes se prennent en charge sans dépendre du mari. Pourquoi considérer la maternité comme un risque alors qu’elle est un cadeau ? Il faudrait maintenant soutenir les femmes en introduisant une assurance perte de gain, à inscrire par exemple dans le code des obligations.

Un thème m’inspire, c’est celui du bonheur et de la santé. Voltaire a dit : J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé. Le bonheur dépend de critères génétiques, mais aussi d’une volonté de se prendre en charge. La santé est un élément de bonheur pour les hommes comme pour les femmes.


Propos recueillis et mis en forme par Anne-Catherine Pozza
Article paru dans COURRIER, Business and Professional Women, Novembre 1999

 

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